Festival: Visions du réel (Nyon)
Diffusion: RTS Télévision Suisse / TV5 Monde
Catalogue Visions du réel
Fils d’immigrés italiens, Hervé était gestionnaire de fortune. Laurent, de père haïtien, était étudiant en droit. Lucas, passionné d’écologie, rêvait de s’occuper d’animaux sauvages. Personnalités atypiques aux caractères affirmés, ils se sont finalement engagés tous trois dans la police. Portés par leurs illusions et avec le désir un peu naïf de se rendre utiles à la société, ils se retrouvent pour la première fois confrontés à un environnement où la violence et la mort sont récurrentes. Ils devront au fil des mois apprendre à adopter le juste comportement et à gérer leurs émotions.
Après avoir saisi les bleus dans leur cadre de vie respectif, François Yang nous plonge dans le quotidien du travail de la police genevoise. Le réalisateur se veut au plus près de ces hommes et nous montre que ce qui pourrait être dur ou violent, est pour eux d’une extrême banalité. Il n’y a pas de mise en scène inutile ou de courses-poursuites du genre «film policier» dans Des Bleus dans la police. Au contraire, la caméra est épurée, l’écoute et le regard attentifs, ce qui nous implique avec plus de force dans la nouvelle vie de ces bleus: un univers viril régi par une autorité toute militaire.
Grâce à la complicité qu’installe le réalisateur avec ses protagonistes, le film devient plus qu’un simple reportage, mais un témoignage évitant les préjugés sur les policiers. En effet, ceux-ci ne font pas qu’un travail répressif, ils se muent souvent en psycholo- gues ou en assistants sociaux. (ct)
Tribune de Genève – Thierry Mertenat
Ils se prénomment Hervé, Laurent et Lucas et partagent à peu près le même âge que celui qui les accompagne caméra au poing. A n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Au reportage à la carte, le cinéaste préfère l’immersion dans la durée. Le résultat est à la mesure de la confiance accordée par l’état-major tout au long du tournage. Six mois de vie commune à même la rue. Car c’est la rue qui déniaise, instruit et forme le futur représentant de l’ordre public. C’est d’abord cela que raconte Des bleus dans la police, avec une franchise inhabituelle. Les trois aspirants n’ont pas des gueules de premier de classe. Ils découvrent simplement, à coups de réquisitions, la réalité de leur ville. Et celle-ci se montre à chaque fois plus imprévisible que les conseils des maîtres de stage. Plus tragique et drôle aussi.
L’humour surgit au détour d’une négociation à rallonge sur le seuil d’un voisin trop bruyant; la peur de l’inconnu s’insinue dans l’évocation des levées de corps, de ces flagrants délits de suicide, passage obligé d’un apprentissage qui se discute, les jours de repos, autour de la table familiale.
Rien ne semble échapper à ce documentaire exact et de bout en bout humain. Qui filme Genève jusque dans ces aubes fatiguées où deux gendarmes remontent le quai des Bergues en rêvant de manger un gaspacho de crabes. «Il va faire beau aujourd’hui», lâche l’un d’eux, les pieds dans la vraie vie.
24 heures – Claude Vallon
Des bleus dans la police de François Yang, dans un style à la Depardon, aborde la situation de trois jeunes gendarmes à la sortie de leur école, puis lors de leur premier stage. Yang a approché 200 futurs policiers avant de porter son choix sur trois Genevois. des cas atypiques, d’origines et de formations diverses. Avec leur accord et celui de leurs supérieurs, il les a suivis dans leurs activités quotidiennes, le premier à Blandonnet, le deuxième à Rive et le troisième aux Pâquis. Un exercice difficile du fait que la caméra ne devait pas faire obstacle et surtout à cause des surprises que réserve le travail du policier. La gestion des situations demande des qualités d’autorité ou de compréhension qui ne vont pas de soi, et les répercussions de certains événements accompagnent le policier jusque dans sa sphère privée. Le sérieux de l’observation n’empêche pas l’irruption de scènes cocasses. «Je pensais d’abord à un film sur des jeunes en formation», raconte Yang, «et ma productrice Florence Adam m’a aiguillé vers des policiers. J’ai constaté que ce sont des gens fragiles qui souvent cherchent à dissimuler leurs faiblesses. En tout cas, je me suis aperçu que ce n’était pour moi. »
Le Matin – Sarah Pernet
Durant une année, un réalisateur a suivi trois jeunes policiers
La police genevoise comme vous l’avez jamais vue! Dans le documentaire «Des bleus dans la police», diffusé ce soir sur «Temps Présent», le réalisateur François Yang montre le quotidien de trois policiers fraîchement nommés.Durant presque un an, il a suivi Hervé, Lucas et Laurent. «Je voulais savoir ce qu’ils ressentent quand ils sont sur le terrain, explique-t-il. J’ai axé le film sur leurs sentiments, leurs émotions, leurs déceptions. Je voulais être proche d’eux et qu’ils se confient à moi comme à un ami. Ils ont fini par oublier la caméra.» Résultat: un film tendre et empatique sur ces trois garçons qui, tour à tour, se sentent utiles ou désemparés.
François Yang, qu’est-ce qui vous a donné envie de réaliser «Des bleus dans la police»?
Ma productrice a une amie dans la police en banlieue parisienne et elle m’a raconté ce que celle-ci vivait. Je trouvais cela incroyable: des levées de corps, des conflits entre collègues, des conflits inimaginables pour le citoyen lambda. Et surtout le fait qu’elle ne revenait jamais indemne de ses missions. Le potentiel émotionnel et conflictuel m’intéressait. De plus, les jeunes en formation sont intéressants à filmer: ils découvrent sous un oeil tout neuf et vivent plus intensément les situations…
Pourquoi avoir choisi ces trois jeunes ?
Ils ont tous les trois des parcours atypiques (un fils d’immigré italien, un ancien «alternatif» et un ancien étudiant d’origine haïtienne). Ils avaient tous les trois cette capacité à communiquer ce qu’ils vivaient, à parler de leurs sentiments et à oublier la caméra. De plus, ils avaient un point de vue intéressant sur leur métier et parlaient facilement de leur vie privée.
Il n’y a pas de filles parmi vos «héros»…
Hélas! Une fille d’une police d’un autre canton était prévue dans le film, mais elle s’est désistée sous la pression de sa hiérarchie proche…
Et la direction de la police genevoise? A-t-elle demandé un droit de regard sur votre travail ?
Elle nous a donné carte blanche pour faire le film. Ils souhaitaient que l’on soit critique et ils n’avaient pas peur du résultat. Ils n’ont pas demandé à voir le travail durant ni après le tournage. Nous leur avons montré le montage final et ils n’ont rien trouvé à redire. Ils ont trouvé que cela reflétait bien la réalité du métier. Il n’y a eu aucune pression de leur part. Les personnes méfiantes au début ont finalement pris plaisir à partager leur métier et à nous oublier.
Quelle était votre image de la police genevoise avant le tournage? A-t- elle changé depuis ?
Avant, le mot police me renvoyait aux mots «contravention» et «punition». Mais pendant le tournage je me suis rendu compte que leur travail était plutôt difficile, voire très pénible par moments. La plupart des gens crachent sur la police mais ils sont plutôt contents de voir les voir arriver dès qu’ils ont un problème. Mon image n’est pas devenue positive ni négative. A présent je comprends mieux et respecte leur tâche.